A Paris, lors de l’acte XI des gilets jaunes, une cinquantaine de fachos hétéroclites a volontairement ciblé le cortège du NPA. Leurs slogans hostiles aux syndicats manifestent une volonté de s’en prendre au mouvement ouvrier. Les extrêmes-droites refusent, au sein des gilets jaunes, la présence d’une gauche qui s’affirme. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’attaque du 26 janvier.
Pour autant, ce n’est pas un saut qualitatif de la violence. La dangerosité des groupes radicaux se juge d’abord localement. Plusieurs villes connaissent des cas de violence, parfois depuis longtemps comme à Lyon. La présence du Bastion social ou de groupes proches (Lyon, Strasbourg, Chambéry, Clermont-Ferrand, Angers ou Paris) est souvent corrélé avec des tentatives d’intimidation récurrentes.
La bande du 26 janvier est loin de susciter un élan de sympathie des groupes politiques de son camp. Le milieu facho se contente de la regarder, de plus ou moins loin. La réputation de ses membres les cantonnent au rôle de petites-frappes utiles quand les bras manquent, à Marseille, Lyon et Paris, du coup de main pour les présidentielles jusqu’à la protection d’un pseudo-journaliste ex-soralien.
Pour plus de détails sur le groupe informel des « zouaves-paris », voir l’article de La Horde.
Mais l’apparition d’une telle bande n’est pas sans rapport avec l’effet « manif pour tous », dont les conséquences sont encore sensibles. Certes, le milieu alors mobilisé était politiquement acquis. Mais ce mouvement a favorisé les rencontres et un regain de confiance. L’Action française (AF) en a le plus profité, avec une dynamique qui persiste.
La fougue d’un des meneurs du 26 janvier faisait la fierté de son grand-père, vieux dirigeant royaliste du sud-est parisien, à l’époque où ce sportif abstinent était un jeune camelot méritant. Une génération de nouveaux militant-e-s, souvent gagnée à l’AF a tissé dans les « manifs pour tous » des liens d’amitiés et côtoyé d’autres courants (identitaire ou GUD). Les connections avec certains milieux supporters, le goût de la fringue et la fascination pour la violence alimentent l’imaginaire de « l’intellectuel violent » maurrassien. Celles et ceux qui ne restent pas dans le giron royaliste vont s’encanailler ailleurs.
A l’extrême-droite, les gilets jaunes pourraient être vus comme le pendant social de la révolte spirituelle de la « manif pour tous ». Mais la lutte contre l’immigration, au cœur de leur idéologie, peine à s’affirmer face aux préoccupations sociales. Pour la « défense de l’automobiliste », Dupont-Aignan (DLF) et Le Pen sont en pole position. Tenant de l’ordre et jouant la carte de la respectabilité républicaine, le RN et DLF ne sont pas à l’aise avec la confrontation contre l’ordre établi, au contraire d’organisations plus radicales. Finalement, le RN n’offre d’autres perspectives que le cadre institutionnel des élections européennes. Ce qui ne minimise pas sa dangerosité !
Le RN ne contrôle pas le mouvement dans sa globalité. La mobilisation des gilets jaunes a pu, comme dans le Gers, écarter les tentatives de main-mise par des cadres du RN. Peu de groupes organisés parviennent à s’impliquer dans des activités locales, sinon les identitaires à Rouen voire à Toulouse. Des groupes d’extrême-droite apparaissent plutôt à l’occasion des manifestations, avec plus ou moins de succès, comme à Chambéry, Bordeaux, Lyon ou Paris.
Leur solution consiste à dénoncer « l’extrême-gauche », avec le fantasme des « blacks blocs », comme fauteuse de troubles dont les « vrais » gilets jaunes seraient victimes. Pour justifier sa présence à Paris, une frange d’extrême-droite cherche à s’implanter dans les services d’ordre, dont l’organisation n’est pas transparente. Il est cocasse de croiser le 26 janvier, avec les « zouaves », d’anciens « mercenaires du Donbass » qui, la semaine d’avant, sont censés protéger les gilets jaunes. On retrouve la bande le 2 février. Expulsés du rassemblement, ces nervis nationalistes inventent une histoire de menaces à l’encontre de Jérôme Rodrigues. Ce mensonge éhonté est relayé complaisamment par Damien Rieu, Gilbert Collard ou Jean-Yves Le Gallou et repris par Sputnik news ou L’Incorrect.
Depuis trois mois, les gilets jaunes se politisent, sans pour autant trouver une ligne claire. Le risque est grand d’abandonner le mouvement aux extrêmes-droites et leur permettre une expérience inédite de construction au sein d’un mouvement de masse motivé par des considérations sociales. La dénonciation et le rejet des fachos en embuscade nécessitent d’être argumentés, patiemment et fermement, auprès des gilets jaunes. Il ne s’agit pas de « violences internes » qui diviseraient le mouvement. C’est une condition pour ne pas laisser le poison du nationalisme gangrener les aspirations populaires.
Une version condensée de cet article a été publiée dans l’Anticapitaliste et est consultable sur le site du NPA.